Mettre dans le débat public les enjeux scientifiques : le cas des perturbateurs endocriniens
Abstract
La science moderne s’est construite au cours du 19e siècle sur la base de l’héritage des Lumières. Progrès scientifique et progrès de la société vont alors de pair. Dans ce processus, la science est l’affaire des scientifiques, qui n’ont de compte à rendre qu’à eux-mêmes et le citoyen est passif. Ce modèle a commencé à être mis en cause dans la 2de moitié du 20e siècle sur l’utilisation de l’arme atomique. Dans son ouvrage publié en 1986, « la société du risque », le philosophe allemand, Ulrich Beck va montrer que cette conception doit être remise en cause en considérant que les risques contemporains sont majoritairement des risques engendrés par les conséquences de l’activité scientifique (la technoscience), ce qui légitime l’irruption de la société civile dans les choix scientifiques. Le cas des perturbateurs endocriniens illustre cette nécessaire évolution sur le rôle des citoyens. L’expression « perturbateur endocrinien » (PE) a été créée en 1991 à l’issue d’une réunion de 21 scientifiques représentant quinze disciplines scientifiques. Sur la base du constat d’effets, principalement touchant à la reproduction, observés dans les populations humaines et la faune sauvage, la responsabilité est identifiée comme provenant de « produits chimiques capables de dérégler le système endocrinien des animaux, y compris celui de l’homme ». En mai 2017, tous les candidats à l’élection présidentielle française s’engagent, à quelques nuances près, sur l’interdiction des PE. Entre temps, le mouvement citoyen et l’engagement collectif des scientifiques a permis cette évolution en mettant dans le débat public les connaissances scientifiques qui bouleversent la perception du risque chimique et obligent à repenser l’action réglementaire.